Saint Remy en Rollat

A bicyclette, au commencement d’une incroyable épopée

vendredi 2 octobre 2020 par Mairie

La Montagne nous apprenait le 28 septembre dernier, qu’hormis les coureurs du Tour de France, un autre personnage, qui allait devenir célèbre au cours de la 1ère Guerre Mondiale, a traversé notre village au début du XXème siècle, au guidon de sa bicyclette, non pas en quête de notoriété, de records ou de places de podium, mais pour assouvir une soif inextinguible de connaissances historiques, relatives aux vestiges de châteaux et autres fortifications médiévales : Thomas Edward LAWRENCE, plus connu sous les noms de Lawrence d’ARABIE et d’« El Aurens ».

Thomas Edward LAWRENCE étudiant

Fils illégitime du 7ème Baronnet de WESTMEATH, Thomas était passionné de « choses lointaines et oubliées », telles que la chevalerie et la poterie médiévale, littéralement fasciné depuis son plus jeune âge par le parcours du Roi Richard 1er PLANTAGENET, souverain anglais qui ne parla jamais la langue de la "perfide Albion" (honni soit qui mal y pense…), élevé en France par sa mère Aliénor d’Aquitaine. A la lecture de Sir Walter SCOTT (Ivanhoé), on apprend que le français était la langue officielle de la Cour d’Angleterre, à cette époque, dont on retrouve encore quelques réminiscences de nos jours (devise "Dieu et mon Droit" et menus officiels écrits en français).


Richard 1er PLANTAGENET dit "Lionheart"


KRAK château croisé en Syrie


Forteresse de BEAUFORT au Liban

La première fois, c’est en août 1906 qu’il parcourut la France à vélo, avec son camarade C.F. BEESON. Endurants et ascétiques, ils ne se nourrirent que de pain et de fruits. Il accomplit l’été suivant sa seconde équipée en terre française, accompagné cette fois de son grand frère Robert. Le jeune et sportif britannique, effectua son 3ème et dernier périple français à bicyclette, en solitaire, au cours de l’été 1908, nous explique Guy PENAUD, Commissaire de Police honoraire et auteur entre autres ouvrages historiques, du « Tour de France de Lawrence d’Arabie », publié aux Editions LALAUZE.

Tour de Rollat au XXème siècle

C’est donc au fil de cette ultime excursion, qu’il put en chemin, découvrir Saint-Rémy-En-Rollat et à n’en pas douter la magnifique Tour carrée de Rollat, visible du Grand Chemin n°6 (aujourd’hui RD n°6), vestige majestueux de ce qui fut le fief emblématique des seigneurs des lieux. Certains indices (petites fenêtres à meneau ou à traverse encadrées de pierres blanches taillées et chanfreinées, escalier, poutres, vaste chambre en bois, construite en saillie sur des poutres débordant les murs et couverte d’un toit en bois), relevés en 1981 par Raymond D’AZEMAR, auteur de « Saint-Rémy-En-Rollat, vieux logis, vieilles familles et pages d’histoire locale », mettent quelque peu à mal, la théorie « lawrencienne ». La fondation du « Chastel-fort de Saint-Rémy » remonterait au 14ème siècle, donc bien après la 6ème et dernière croisade qui prit fin en 1229. Mais la présence d’une forêt domaniale royale très fournie, à proximité du fief des Rollat, explique aussi l’utilisation massive du bois dans sa construction, très rare en Orient et donc nul besoin pour les seigneurs locaux d’arrondir les angles de leur donjon, pour éviter l’utilisation de ce noble matériau. Cqfd.

Saint-Rémy est aussi un des phares historiques de la poterie, et ce depuis la période gallo-romaine, (collections exposées au Musée DECHELETTE de ROANNE : Saint-Rémy est le principal atelier du centre de la Gaule, fabricant des céramiques à glaçure plombifère, à pâte blanche et glaçure jaune, rose ou verte),

Décor d’« arcatures à pointes fleuronnées » par Aco Acastus qui a inspiré le
décor typique de St-Rémy

centre d’intérêt qui mena même LAWRENCE à songer à son enseignement à OXFORD, avant d’accepter la proposition de l’influent David HOGARTH, conservateur de l’Ashmolean Museum, d’aller fouiller plusieurs années de suite, le site archéologique de KARKEMISH, ancien oppidum hittite, à la frontière actuelle de la Turquie et de la Syrie.

Mystique, le jeune intellectuel anglais en quête perpétuelle d’absolu, ce Graal échappant aux valeurs terrestres, aurait aussi pu rechercher en France, des reliques hautement symboliques ramenées de Terre Sainte, s’interroge Kevin LOGNONÉ, passionné d’histoire (article de La Montagne du 28/09/20), peut-être en lien avec certains anciens étudiants d’OXFORD et la Rose-Croix, dont le fondement spirituel reposerait en Orient ou avec l’Ordre du Temple, très lié à son héros de jeunesse le Roi Richard, par son vassal, le Baron Robert de SABLÉ, Grand Maître de l’Ordre en 1191...

Les Croisés rapportèrent quantité de souvenirs de leurs pérégrinations dont les plus emblématiques :
- rose des sables, façonnée au gré des millénaires par le Shamal et le Khamsin, les embruns, le soleil et le sable dunaire, d’une poésie vraiment surprenante, qui ne manqua de toucher ni T.E. LAWRENCE, ni l’architecte français Jean NOUVEL, qui s’en inspira dernièrement, pour édifier le sublime Musée National de DOHA,
- "Rosa Damascena", ramenée de Syrie à PROVINS par Robert de BRIE, Comte de DREUX.

L’érudit oxfordien ne pouvait ignorer la symbolique associée à cette création naturelle. Saint Bernard DE CLAIRVAUX dans son sermon "Beata Maria" y fait clairement référence (Rosa sine spina), Jacques DE VORAGINE, Archevêque de GENES, dans sa "Légende dorée", décrit le tombeau marial couvert de roses au moment de l’Assomption. Guillaume DE LORRIS écrit à partir de 1230, les 4000 premiers vers octosyllabiques, du célèbre Roman de la Rose. Fleur de contraste, attribut de l’amitié et de l’amour, la rose désigne la perfection, la pureté et l’accomplissement. Cette allégorie onirique lancinante, puisant son origine dans les tréfonds du passé médiéval de l’Occident et de l’Orient Latin, jalonne partout le chemin spirituel anagogique, parcouru par cet esprit romanesque, toujours en effervescence. Bravant les intempéries, lors d’une de ses tribulations cyclistes, Thomas a dormi à VEZELAY à même le terre-plein où "Pierre l’Hermite a prêché la première croisade aux cris mille fois répétés de « Dieu le veut » !" A CHALUS, il a cherché fiévreusement l’endroit funeste où Richard 1er « Lionheart » de retour de captivité, rendit son âme à Dieu, mortellement blessé par un carreau d’arbalète.


Maquette du Musée National de DOHA édifié par l’architecte Jean NOUVEL

Kévin LOGNONÉ au Musée National de DOHA

Les tours crénelées des châteaux-forts visités en France, n’ont fait qu’aviver son irrépressible désir de découvrir les vestiges mythiques des forteresses croisées, édifiées jadis sur les contreforts des rives verdoyantes de l’Oronte. Ses escapades estudiantines en France ne furent que les premières étapes vers son "Arabia Deserta", si chère à Charles Montagu DOUGHTY, où le « rêveur éveillé », totalement submergé par l’Orient et ses étendues de sable infinies, gagna, après maints exploits contre l’armée ottomane du Sultan MEHMED, ses galons de colonel, toujours en tête des troupes hachémites et des colonnes bédouines howeitates, incarnations tangibles d’une chevalerie intemporelle qu’il admira tant et plus, puissants fers de lance de la cause qu’il choisit de servir, cette arabité alors en devenir.

"Entre le 16 Octobre 1916 et le 30 Octobre 1918, à l’âge de BONAPARTE à MARENGO (30 ans), LAWRENCE, à la tête d’une masse désordonnée de Bédouins qu’il sut organiser en troupes semi-régulières, captura 35 000 Turcs, et en mit autant hors de combat, prit 150 canons et libéra du joug ottoman 250 000 kilomètres carrés"(Roger STEPHANE, préface des 7 piliers de la Sagesse Editions LAFFONT).

Richard Cœur de Lion et Saint-Louis l’ont immanquablement conduit vers le Prince Fayçal Ibn Hussein, fils du Chérif de LA MECQUE et Roi du HEDJAZ, qui monta par la suite, grâce à lui et aussi à l’énigmatique Miss Gertrude BELL, sur le trône d’Irak, après avoir été l’éphémère et unique roi de Syrie, du 7 mars ou 27 juillet 1920, destitué sans ménagements par la France, appliquant ad litteram le mandat institué par la Société des Nations, ancêtre de l’ONU.


Colonel LAWRENCE

« El Aurens » théorisa la guerre asymétrique moderne lors de la grande Révolte Arabe, qui conduisit au démantèlement de l’Empire Ottoman, inspirant aussi au passage, le Général GIAP, vainqueur de DIEN BIEN PHU, qui ne se séparait jamais de son exemplaire écorné des « Sept piliers de la Sagesse », très grand succès de librairie, écrit et réécrit plusieurs fois par T.E. LAWRENCE, tout à la fois évangile de combat pour rebelles en tous genres, fulgurant bréviaire de la doctrine insurrectionnelle et surtout première exégèse du panarabisme, héritier de la "Nahda", étudié de nos jours à SANDHURST et WESTPOINT, par les élèves-officiers britanniques et américains.

Proche de Lionel CURTIS, condisciple oxfordien (New College of Saint-Mary), qui initia la "dyarchie" aux Indes et inspira ultérieurement la création du Commonwealth, le Colonel LAWRENCE, était convaincu des vertus salvatrices d’un empire britannique justement administré, pouvant recueillir l’adhésion des peuples associés à la couronne dans une communauté de destin, au sein d’états autonomes fondés sur le modèle indien, s’émancipant progressivement de la tutelle impériale. Il souhaitait que l’Arabie, nation cliente et alliée, soit le premier "dominion" de l’Empire et non sa dernière colonie.

Tour à tour homme de science, redoutable espion, chef de guerre exceptionnel, diplomate avisé, conseiller politique visionnaire, sportif accompli et grand écrivain, l’austère et mystérieux introverti, a marqué l’Histoire de son empreinte. Son aura légendaire lui permit d’être l’ami des plus grands, tel que Georges-Bernard SHAW, prix Nobel de littérature 1925 ou la pétillante Lady Nancy ASTOR, une des premières femmes parlementaires au Royaume-Uni, avec qui il entretint une longue relation épistolaire. Winston CHURCHILL admiratif, disait de lui qu’ « il était indifférent à la famille, au bien-être, au rang, à la puissance, comme à la gloire...Outre ses capacités multiples, il possédait la marque du génie, que tout le monde s’accorde à reconnaître mais que nul ne peut définir. Il paraissait vraiment ce qu’il était : un des plus grands princes de la nature… Je n’ai jamais rencontré son pareil »

Fou de vitesse, T.E.LAWRENCE perdit la vie le 19 mai 1935, à l’hôpital militaire de BOVINGTON, des suites d’un stupide et très curieux accident de la route, au guidon de sa puissante BROUGH Superior SS 100, "Rolls-Royce de la moto".

l’historien de l’art et académicien Louis GILLET, grand ami de Charles PEGUY, revenait en 1939, sur cette légende vivante dans la prestigieuse "Revue des Deux Mondes" :

« Ainsi mourut cet homme étrange, ennemi de lui-même, brouillé avec la gloire, qui sacrifia de parti pris son ambition à son orgueil, et refusa l’encens des foules, la popularité, les conditions mensongères de la puissance et de la vanité, ne voulut devoir sa grandeur qu’à lui-même. Dans d’autres temps, il était de l’étoffe dont on eût fait un saint. Tel qu’il fut, on ne peut lui refuser son admiration. « Combien d’hommes ont pris sur eux honnêtement de dépasser l’humanité ? Seul le spectacle de leurs combats et de leurs efforts me comble. » Il entreprit de faire à lui tout seul son métier d’homme, de jouer la partie sans tricher, en partant de zéro, de livrer sans aide, sans subterfuge, sa bataille avec l’ange. Il a réussi, en se passant de tout, à occuper l’attention presque à l’égal des dictateurs. Il n’a dû qu’à l’immolation, à l’effacement volontaire, presque tout ce que ces derniers doivent à la réclame et à la propagande. A lui seul, il fait équilibre à Hitler, à Mussolini. Il a restitué le prestige de l’individu, et nous console de l’empire abject des masses. »


T.E. LAWRENCE au guidon d’une de ses 7 motos BROUGH

Sillonnant inlassablement les chemins tortueux de son siècle et ceux de sa propre destinée si tourmentée, à la manière très humble d’un moine-soldat templier, T.E. LAWRENCE of ARABIA, l’aventurier métaphysique, a rejoint Walter RALEIGH, John DRAKE, Robert CLIVE, Horatio NELSON, Arthur WELLINGTON, GORDON Pacha, Horatio KITCHENER of KHARTHOUM, Simon FRASER LOVAT, Bernard LAW MONTGOMERY et Winston CHURCHILL dans l’empyrée des grands héros britanniques, à qui l’Angleterre doit sa renommée, sa force, son influence aux quatre coins du globe et son (défunt) empire.

« Tous les hommes rêvent, mais inégalement. Ceux qui rêvent la nuit dans les recoins poussiéreux de leur esprit s’éveillent au jour pour découvrir que ce n’était que vanité ; mais les rêveurs diurnes sont des hommes dangereux, car ils peuvent jouer leur rêve les yeux ouverts, pour le rendre possible. Ce que j’ai fait. »

citation extraite du livre"les sept Piliers de la Sagesse" du Colonel Thomas Edward LAWRENCE, BO (Compagnon of The Bath Order), DSO (Distinguished Service Order), 3 citations, Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 1914-1918.

« El Aurens »

Parcours et sites visités en France lors des 3 voyages par T.E. LAWRENCE :

Le Havre - Lillebonne - Rouen - Les Andelys - Gisors - Beauvais - Compiègne - Pierrefonds - Coucy-le-Château-Auffrique - Provins - Troyes - Bar-sur-Seine - Châtillon-sur-Seine - Montbard - Cussy-les-Forges - Vézelay - Nevers - Moulins - Saint-Rémy-en-Rollat - Vichy - Thiers - La Chaise-Dieu - Le Puy-en-Velay - Polignac - Saint-Julien-Chapteuil - Saint-Agrève - Tournon-sur-Rhône - Saint-Péray - Valence - Avignon - Villeneuve-lès-Avignon - Tarascon - Beaucaire - Arles - Les Baux-de-Provence - Saint-Gilles - Saintes-Maries-de-la-Mer - Aigues-Mortes - Nîmes - Agde - Béziers - Narbonne - Carcassonne - Saissac - Toulouse - Rabastens - Albi - Cordes-sur-Ciel - Najac - Villefranche-de-Rouergue - Cahors - Cras - Luzech - Fumel - Saint-Front-sur-Lémance - Monpazier - Pujols-sur-Dordogne - Castillon-la-Bataille - Saint-Michel-de-Montaigne - Périgueux - Hautefort - Saint-Yrieix-la-Perche - Saint-Jean-Ligoure - Nexon - Châlus - Dournazac - Marthon - Angoulême - Cognac - Saintes - Taillebourg - Surgères - Tonnay-Boutonne - Niort - Montreuil-Bonnin - Parthenay - Bressuire - Cérizay - Thouars - Fontevraud-l’Abbaye - Chinon - Loches – Montbazon - Tours - Montoire-sur-le-Loir - Lavardin - Mondoubleau - Vendôme - Fréteval - Orléans - Saint-Lyé-la-Forêt - Etampes - Chartres - L’Aigle - Falaise - Condé-sur-Noireau - Granville - Mont-Saint-Michel - Fougères - Dinan - Dinard - Saint-Malo.

Si vous avez des informations complémentaires, des anecdotes, concernant le passage à Saint-Rémy de T.E. LAWRENCE, vous pouvez contacter Kevin LOGNONÉ au 06 25 50 39 97 ou la mairie au 04 70 41 95 30.



affiche de l’exposition 2018-2019 organisée au Magdelan College d’OXFORD dont il fut boursier pendant 3 ans ("Senior Demy"), consacrée au parcours incroyable de l’ancien "Bachelor ot Arts" (Jesus College d’OXFORD) et du "Prize Fellow" ( All Souls College d’OXFORD, devenir un Fellow d’All Souls est un des plus grands honneurs universitaires du Royaume-Uni) Thomas Edward LAWRENCE.

quelques liens utiles :

- fiche Wikipédia : Thomas Edward LAWRENCE
- Oxford dictionnary of national biography : T.E. LAWRENCE
- TE LAWRENCE Society
- Bibliothèque Nationale de France : Lawrence d’Arabie dans la presse française
- National Geographic : Lawrence d’Arabie, l’agent secret fou de l’Orient
- l’Orient le jour : le jour où Lawrence d’Arabie a rencontré l’Emir Fayçal
- l’Orient le jour : quand Lawrence d’Arabie s’éprenait d’une jeune Libanaise
- Eurasia prospective : Lawrence d’Arabie, une figure symptomatique de la politique européenne au Moyen-Orient (Kevin THIEVON)
- Institut d’Etudes Avancées de Paris : traduire la Première Guerre Mondiale : le cas LAWRENCE
- France Culture la compagnie des auteurs : T.E LAWRENCE 3 épisodes
- France Inter : ça peut pas faire de mal : les sept piliers de la sagesse de TE LAWRENCE
- Youtube (chaîne le Sémaphore) : les nuits de France Culture : Thomas Edward LAWRENCE : Une vie, une œuvre
- Arte : la romance de LAWRENCE et de l’Arabie


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